De nouveau sur la route: Considérations sur les dernières normes d’éclairage des routes, des sites et urbains
Caroline Donkin
16 avril 2021
Depuis trop longtemps, les calculs photométriques routiers, de sites extérieurs ou d’aires véhiculaires sont principalement axés sur la performance, le niveau de luminosité et l’uniformité de l’éclairage. Un espacement maximal entre les poteaux demeure souvent un facteur de première importance, amenant la conception optique vers de nouveaux sommets, mais favorisant également une densité lumineuse à des angles toujours plus élevés. Cette pratique favorise l’utilisation de luminaires plus éblouissants, accroissant parfois l’intensité lumineuse à des niveaux excessifs, voire inutiles. Les zones de circulation automobiles sont des applications complexes qui tendent à être rapportées à leur plus simple expression dans le cadre du processus de conception, cela en vue de s’assurer que les exigences minimales sont respectées et que la sécurité du public est préservée. Toutefois, dès que ces fondements sont appliqués, il est envisageable de pousser le concept plus loin. Au terme d’une étude approfondie de l’application et du choix approprié des produits, il est possible d’accroître le contraste, de réduire les impacts sur l’environnement et d’ouvrir la voie à une expérience nocturne en plein air agréable. À l’heure actuelle, on ne parle plus uniquement de quantité, mais de qualité d’éclairage.
Retour aux sources
L’éclairement mesure la quantité de lumière qui atteint une surface. La surface peut être physique ou un plan imaginaire. L’éclairement est exprimé en pieds-bougies (fc) dans le système impérial (lumens par pied carré) et en lux dans le système métrique (lumens par mètre carré). L’éclairage d’un site ou d’une aire est déterminé par des calculs d’éclairement. Nous utilisons cette méthode puisque les facteurs de réflexion sont susceptibles de varier considérablement d’un matériau à l’autre, et que ce type de donnée est plutôt difficile à obtenir. Certaines sections des systèmes d’éclairage routiers, comme les zones piétonnières, les carrefours, les échangeurs et les courbes, font également usage de cette méthode. L’éclairement n’est pas fonction de l’observateur, mais de l’angle d’incidence de la lumière sur une surface.
La luminance fait référence à l’intensité de la lumière visible projetée depuis un angle donné. La luminance est donc fonction de l’observateur; par conséquent, elle est utilisée pour quantifier la luminosité ou la brillance d’une surface. La luminance est exprimée en candelas par mètre carré (cd/m²). Les tronçons de route rectilignes doivent être conçus suivant la méthode de la luminance. Cette méthode tient compte de la position du conducteur (observateur) et détermine la luminosité de la route en fonction de sa réflectance.
Les conversions de l’éclairement à la luminance sont autorisées dans les courbes d’une route (p.ex. : sur une route dont la classification du facteur de réflectance est R3, l’équivalent de 1 cd/m² est 13,3 lux).
Lorsque l’on parle de visibilité de la chaussée, la luminance de voile est le critère utilisé pour limiter l’éblouissement. Le ratio de luminance de voile correspond à la valeur maximale de la luminance divisée par la luminance moyenne. Ainsi, la « brillance » d’un luminaire est considérée en fonction de la « brillance » de la chaussée perçue par le conducteur.
Il existe deux types d’éblouissement : l’éblouissement invalidant, et l’éblouissement inconfortable. L’éblouissement invalidant doit être pris en compte dans les calculs photométriques, car il trouble la vision. C’est le type d’éblouissement qui crée un « voile » dans les yeux. Ce phénomène est causé par la perte de contraste dans l’image sur la rétine attribuable à la dispersion de la lumière dans l’œil. Il est également pris en compte en matière d’adaptation visuelle. Dans la méthode de calcul de l’Illuminating Engineering Society (IES), la luminance d’éblouissement est calculée à chaque point de luminance en fonction de la position d’un observateur situé à une distance de 83 m, à une hauteur de 1,45 m, et suivant une ligne de vision d’un degré sous le plan horizontal. La luminance de voile, utilisée comme valeur pratique recommandée, est obtenue en divisant la valeur maximale de la luminance de voile par la luminance moyenne de la chaussée.
L’éblouissement inconfortable, qui est une valeur perçue, cause des désagréments, voire de la douleur, mais ne nuit pas nécessairement à la vision. La forte luminance et la petite taille de la surface émettrice sont des causes probables d’inconfort. La ligne de vision et la luminance de l’arrière-plan peuvent également être en cause. Il existe différentes méthodes pour mesurer l’éblouissement perçu : indice UGR (Unified Glare Rating), probabilité de confort visuel (Visual Comfort Probability), CBE (Cumulative Brightness Evaluation), marque de contrôle de l’éblouissement (Glare Control Mark), et évaluation de Schmidt-Clausen et Bindels. Aucun consensus n’a encore été dégagé quant à l’utilisation de ces méthodes. La Commission internationale de l’éclairage (CIE) a adopté l’indice UGR pour les luminaires intérieurs sur la base de l’indice d’éblouissement européen et le modèle de contrôle de l’éblouissement (Glare Control Mark) pour les luminaires extérieurs. Étant donné que l’indice d’éblouissement européen est établi suivant la luminance moyenne d’une surface, sans tenir compte de son uniformité, l’indice UGR pose des limites. La marque de contrôle de l’éblouissement (Glare Control Mark) peut être calculée à partir des données photométriques et géométriques d’un système d’éclairage donné. Cette méthode semble fournir une estimation exhaustive en contexte, mais donne tout de même lieu à des anomalies. À la lumière de ces informations, nous pouvons conclure qu’aucune méthode d’évaluation parfaite n’a été présentée pour représenter l’éblouissement inconfortable. L’éblouissement perceptible peut seulement être correctement évalué dans un contexte spécifique en tenant compte de la luminance générale de l’environnement, de la luminance des surfaces émettrices et de leur dimension, du nombre de luminaires et de leur emplacement, ainsi que de la position de l’observateur et de sa ligne de vision.
À la tombée de la nuit, les effets spectraux peuvent modifier nos performances visuelles. Notre perception de la luminosité peut varier lorsque l’éclairage est faible selon la répartition spectrale énergétique. En ce qui a trait à la conduite, les données mésopiques ne sont pas prises en compte à des vitesses supérieures à 56 km/h. Au-delà de cette vitesse, le conducteur, essentiellement, adapte sa vision photopique, et la méthode de calcul pour la route est établie selon une ligne de vision directe. Aucune modification des calculs en fonction des données spectrales ne devrait être apportée aux calculs pour les routes, des aires ou des sites extérieurs. Des études sont poursuivies pour les applications à basse vitesse.
À l’heure actuelle
De nouvelles préoccupations relatives à l’éclairage extérieur des aires véhiculaires sont fondées sur l’amélioration de la qualité visuelle et, par conséquent, de la qualité de la lumière. Des conceptions de qualité sont essentielles pour assurer la sécurité et le bien-être du public. L’utilisation de distributions appropriées pour l’application, l’efficacité des luminaires et l’utilisation de systèmes de contrôle novateurs sont essentielles. Les valeurs exprimées en lumens/watt ne sont pertinentes que si le flux lumineux est dirigé vers une zone ciblée, puis l’atteint. Dans une zone de circulation piétonnière élevée, les luminaires doivent être installés à l’échelle humaine (10-25 pieds). En règle générale, les critères d’éblouissement et d’efficacité sont plus difficiles à obtenir à cette hauteur réduite, et le coût des systèmes d’éclairage est plus élevé que dans les zones où la circulation piétonnière est moins fréquente. Un équilibre entre le confort visuel et l’éclairement vertical est crucial pour maintenir une bonne visibilité des piétons et donner un sentiment de sécurité par un éclairage des façades en périphérie, tout en évitant de gêner les automobilistes.
Les systèmes de contrôle faciliteront les économies d’énergie et la surveillance; elles peuvent également favoriser le dynamisme d’une installation lorsqu’elles sont utilisées de manière judicieuse. L’éclairage de nuit vise principalement à assurer la sécurité, bien qu’il doive présenter une expérience qui ne compromette pas la fiabilité de l’installation.
Plus uniforme, c’est mieux?
Pas tout à fait. Les contrastes adoptés pour améliorer la détection des obstacles sont désormais des éléments clés des recommandations en matière de conception. Un objet en contraste positif peut être distingué en raison de sa luminance plus élevée comparativement à l’arrière-plan. À l’opposé, un objet en contraste négatif affiche une luminance plus faible que l’environnement qui l’entoure. Une grande importance est accordée à l’équilibre entre le contraste positif et négatif, car il permet de distinguer plus facilement les obstacles par rapport à l’arrière-plan.
En vertu de la norme RP-08-18, si la répartition spectrale énergétique (SPD) de la source est inadéquate, les lumens et les autres valeurs calculées seront inexacts. D’après des recherches menées par le ministère des Transports (DOT), un meilleur indice de rendu des couleurs (IRC) augmente le contraste des couleurs, ce qui permet de distinguer plus facilement des objets, des animaux et des personnes de leur arrière-plan du point de vue d’un observateur en position statique. Un IRC élevé facilite également l’identification de véhicules ou de personnes en situation d’irrégularité. À haute vitesse, celui-ci a un effet négligeable en raison de la tendance des conducteurs à fixer leur attention sur un point éloigné sur la route, en ligne droite. C’est ce qu’on appelle la vision étroite. Des études plus récentes devraient sous peu révéler l’effet de l’IRC dans des applications à vitesse réduite.
Mettre de côté l’excès
La préservation et la protection de l’environnement sont d’actualité dans tous les secteurs, y compris celui de l’éclairage. La tendance est à la diminution des divers impacts de l’éclairage nocturne, comme le voilement du ciel étoilé et les conséquences négatives sur la faune et la flore. Il est judicieux de ne pas éclairer à l’excès, car les niveaux supérieurs ne sont pas nécessairement plus sécuritaires. Les concepts axés sur la qualité sont ceux qui permettent de réduire l’éblouissement, l’éclairage indirect et l’éclairage intrusif. Au cours des dernières années, des préoccupations ont été soulevées au sujet des débordements d’éclairage et de ses effets sur le ciel nocturne ainsi que sur les plantes et les animaux. L’IES recommande désormais un éclairement vertical initial maximal aux limites des propriétés. Les niveaux maximaux sont divisés par zone d’éclairage. Cela exige que de nouveaux calculs avec les valeurs initiales soient effectués, des calculs qui sont similaires à ceux demandés pour une certification LEED.
Le choix d’une distribution inappropriée ou l’utilisation de luminaires sans défilement peut produire une lumière importune. Celle-ci est intrusive, perceptible et indésirable. Elle peut être définie par une portion de la répartition lumineuse qui pénètre par les fenêtres et qui perturbe la vie privée. Les débordements lumineux sont importuns et inutiles. Cette lumière perdue représente de l’énergie consommée inutilement et en plus d’être dérangeante et de compromettre le rythme circadien des êtres vivants.
L’indice d’éblouissement (G; Glare), tel qu’il est présenté dans le système de classification des luminaires extérieurs de l’IES (TM-15-11), est une excellente mesure d’évaluation rapide qui permet d’établir la quantité de lumière aveuglante pour un conducteur à un angle d’attaque variant de 60 à 90 degrés. Néanmoins, les choix d’optiques doivent être considérés en contexte, selon leur orientation et leur emplacement. L’indice ne présente pas de différenciation entre l’éclairage longitudinal et latéral. Par conséquent, selon la position de l’observateur et l’environnement adjacent, des éléments doivent être définis et évalués avant de sélectionner l’option appropriée.
On peut affirmer la même chose pour l’indice de répartition arrière (B; Backlight). Dans certaines situations, cette lumière est utile et orientée à bon escient. Par exemple, elle peut être utilisée pour éclairer les trottoirs en milieu urbain ou procurer un éclairage de transition en bordure de route.
D’autre part, l’indice de répartition zénithale (U; Uplight) est assez droit au but et doit être rigoureusement utilisé dans toutes les situations. Ce flux lumineux dirigé au-dessus de l’horizon déborde dans le ciel, contribuant au phénomène de dôme lumineux qui masque les étoiles. En fait, près du cinquième de la population ne verra jamais la Voie lactée. Les êtres humains, les animaux, même les plantes, doivent dormir dans l’obscurité. Les fonctions de base de certaines créatures ont déjà été affectées, notamment la navigation et la communication, en raison de la pollution lumineuse. Un indice de U0 est fortement recommandé pour atténuer l’intensité du dôme lumineux, cependant un indice de U1 peut être envisagé pour les luminaires décoratifs. Ceux-ci devraient être choisis principalement pour des raisons esthétiques. Les luminaires devraient être éteints, ou leur intensité doit être réduite au minimum, hors des heures d’activité à l’aide d’options de contrôle.
Les publications récentes offrent de nouvelles possibilités de revoir, de créer et de surpasser nos méthodes habituelles. Évaluez rigoureusement votre application, pesez les impacts de vos décisions, soyez davantage sensibilisé, passez à un niveau supérieur de conscience et prenez le contrôle de votre système d’éclairage. Assurez-vous d’opter pour une distribution appropriée et une température de couleur proximale optimale pour l’application envisagée, et sélectionnez des luminaires offrant le meilleur IRC ainsi qu’une répartition spectrale énergétique adéquate, et usez d’autres techniques de contraste. Évitez tout éclairage excessif, réduisez l’éblouissement, l’éclairage indirect et l’éclairage intrusif, et utilisez des mesures de contrôle pour réaliser des économies de coût et profiter d’un habitat plus naturel. La combinaison d’une réflexion judicieuse et de produits appropriés permettra d’obtenir un système d’éclairage sûr, performant, durable et de haute qualité.
Publié avec la permission écrite de Lumenpulse. Pour la version originale, cliquez ici.