Salon Lumen et autres réalisations du plus grand distributeur au Québec : une discussion avec Serge LeBlanc
7-juin-2022
Elle Bremmer
Dans l’un des premiers salons à réapparaître à la suite de la pandémie de Covid-19, j’ai eu le plaisir de m’asseoir avec Serge LeBlanc, le président de Lumen Canada, pour avoir son point de vue sur l’exposition, son travail avec Lumen, et les impacts de Covid-19 sur l’industrie dans son ensemble.
M. Leblanc travaille chez Lumen depuis 1997 dans leur département de marketing et a gravi les échelons jusqu’au poste de président de Lumen Canada, avec des campagnes telles que Lumen Express et Lumen Depot à son actif. Dans cette histoire en plusieurs parties, nous examinerons l’histoire de Lumen, les défis auxquels elle a été confrontée en ce qui concerne la pandémie et les problèmes de chaîne d’approvisionnement, ainsi que leur croissance passée et future, et les futurs projets que Lumen a en réserve.
Q : Lumen a une longue histoire au Québec depuis le lancement de sa première succursale à Saint-Eustache. Si nos devoirs sont exacts, vos racines étaient-elles dans l’espace commercial différentes de celles d’aujourd’hui ? Pouvez-vous parler de la transition de Lumen depuis ses débuts en 1962 ?
M. LeBlanc : Lumen, comme vous l’avez dit, a commencé en 1962 autour de Saint-Eustache. C’était un showroom. En 1984, 22 ans plus tard, Sonepar rachète Lumen. Parce qu’elle a été réalisée avec un groupe mondial, il s’agissait de la première acquisition de Sonepar hors d’Europe. Ils devenaient un groupe international, alors ils sont venus au Canada, et à mon avis la partie francophone a aidé la transaction et puis ils ont acheté Lumen.Lumen a poursuivi sa croissance avec Sonepar.
Un autre grand changement s’est produit chez Lumen a eu lieu en 1982. Nous avions la ligne Allen Bradley chez Rockwell, pour l’exclusivité au Québec parce que Rockwell est le marché go-to (incontournable). Il a des distributeurs spécialisés dans des territoires exclusifs. Donc, on avait la territoire du Québec, parce que là on est parti d’un distributeur très commercial. De plus, les ventes ont développé le côté industriel, car notre activité a commencé à croître plus rapidement. Mais en 1995, nous avons ouvert le premier centre de distribution au monde, qui était à Pointe-Claire. C’était petit, c’était 7180 pieds carrés. Après ça, dix ans plus tard, on a continué à grandir, on a déménagé le siège social à Pointe-Claire. On a quitté Saint-Eustache pour aller dans le vrai “city drive” comme on dit, et on a doublé les centres de distribution. Encore dix ans plus tard, on avait besoin de capacité, on a déménagé à Laval, on a acheté un million de pieds carrés de terrain, et puis aujourd’hui on a une quarantaine de succursales. Ensuite, vous voyez qu’on fait une extension pour qui sera terminée à la fin de l’année. Puis, nous automatiserons nos coupes de câbles, ce qui est probablement la tâche la plus difficile pour mes employés dans l’entrepôt. C’est physique, c’est sale, c’est dur.
Mais, quand nous avons déménagé à Laval, nous avons automatisé le côté small parts [petites pièces], et avons continué à automatiser. Nous avons ajouté des spécialités, nous avons 65 spécialistes produits dans différents canaux – fils et câbles, automatisation, contrôles, tous nos canaux d’expérience. Le dernier grand changement concernait les chargeurs de véhicules électriques. Ça s’accélère beaucoup. Nous avons des personnes spécialisées dans ce domaine pour conseiller nos clients.
Q : Lumen est le plus grand distributeur au Québec. En fait, je pense qu’il s’agit du plus grand au Canada. Qu’est-ce qui a motivé cette croissance ?
M. LeBlanc : Je pense que c’est le business plan que nous avions et surtout le soutien de Sonepar qui nous permet de continuer à grandir. Et les gens, c’est une “people business” [entreprise de personnes]. Je dirais que Lumen, dans son modèle, est “customer-first” [le client d’abord]. Lorsque nous prenons des décisions chez Lumen, nous mettons les clients au centre. Nous prenons les décisions pour nos collaborateurs, nos employés, mais l’objectif est de servir au mieux possible le client de la façon qu’il veut l’avoir. Parce que parfois les gens disent que j’ai été bon avec le client, mais ils oublient ce que le client veut avoir. De ce côté-ci, c’est comme ça. Je suis chez Lumen depuis 25 ans et j’ai occupé plusieurs postes en marketing et j’ai occupé le poste de président pendant 10 ans. Toutes les personnes en gestion ont connu le terrain, nous avons connu le client… eh bien, nous sommes très client-vendeur dans notre approche.
Q : Rockwell est un partenaire clé, il a clairement aidé à la transition de Lumen. Quand Lumen a-t-il obtenu la ligne Rockwell et comment cela a-t-il changé la direction de Lumen ?
M. LeBlanc : En 1992, c’était le [partenariat] de Rockwell. Avec le nouveau partenariat, Rockwell a dû réaligner tous ses territoires. Ensuite, Lumen était un partenaire de Rockwell dans une région, c’était Trois-Rivières où nous avions une joint venture (coentreprise) avec un petit distributeur Rockwell. C’est à ce moment-là que nous avons continué à grandir dans le commercial, mais nous avions passé dans un marché industriel. Puis, avec l’évolution des produits Rockwell, nous avons fait le grand marché fait de la pâte à papier, des alumineries, de la grande industrie. Mais aujourd’hui, nous faisons beaucoup de travail OEM (Original Equipment Manufacturer- équipementier d’origine) avec les constructeurs de machines. On fait beaucoup de transactions parce qu’au Québec on a énormément de clients qui construisent des machines qui vont les envoyer aux États-Unis pour la production en usine. Cela [le partenariat] nous a beaucoup aidé, car cela a aidé Lumen à se diversifier. Mais nous sommes entrés dans le marché industriel, le marché OEM, puis en même temps nous développons aussi le marché institutionnel qui comprend les écoles, les gouvernements, les appels d’offres, toutes ces choses. C’est vraiment ce qui crée notre “mix”. Autant de mix avec les clients, les produits.
Q : Cela donne de la diversité ?
M. LeBlanc : La diversité est extrêmement importante pour moi afin que nous soyons bons à plusieurs niveaux parce que nous l’avons vécu pendant la pandémie, et nous avons connu la récession dans le passé. Si vous n’êtes pas diversifié, vous êtes à risque. En fait, ce sont tous nos clients et fournisseurs d’aujourd’hui qui nous ont aidés à grandir et à arriver à un point où nous pouvons vendre plus de 35 000 produits.
Q : Comment est-ce que la pandémie a affecté Lumen ?
M. Le Blanc : En 2020, c’était un désastre. Nous avons eu le salon Lumen en avril 2020. Un mois avant l’arrivée de la pandémie, il y a eu la Emergency shut-down order [fermeture d’urgence] de Québec, et cette semaine la construction avait fermé. Nous avons annulé de toute urgence. Tout était prêt pour le spectacle. Nous avions tous fait nos plans et nos investissements. Comme Lumen le fait tous les deux ans le Salon Lumen, nous ne l’avons pas fait l’année suivante, car la pandémie faisait également sa présence cette année-là avec peu d’assouplissement des règles. Mais la pandémie chez Lumen, quand on ferme la construction qui est ma “prime market” (marché principale), c’était très difficile de soutenir financièrement nos employés. Nous n’avons renvoyé personne, heureusement. J’ai eu près de 50 % des personnes qui étaient à la maison avec le programme d’emergency revenue (prestation canadienne d’urgence). Après cela, nous avons eu un retour progressif au travail de deux semaines. Au début, il n’y avait que le côté résidentiel rouvert puis le commercial juste après. Ensuite, “full throttle” (plein gaz) au Québec avec le début de la construction.
Q : J’imagine que les problèmes de chaîne d’approvisionnement n’ont pas aidé la situation ?
M. LeBlanc : C’était extrêmement difficile. Mais, en tout, ce n’était jamais le problème principal. Comme je l’ai dit, nous faisons affaire avec plus de 800 fournisseurs, vendant plus de 35 000 produits. Nous sommes donc confrontés à toutes sortes de problèmes de composants électroniques. L’année dernière, nous avons eu beaucoup de problèmes dans la matière première, l’acier, le PVC, même le cuivre a été remplacé. La chaîne d’approvisionnement est un problème, mais l’autre problème est l’inflation. Le conduit de câble qui a doublé [de prix], et c’est une inflation jamais vue. Même lorsque je parle aux clients, c’est difficile pour eux, car lorsque le produit double le prix, il est plus difficile d’obtenir ce dont ils ont besoin. Le reste d’entre nous a fait des contingences pour les factures, mais jamais à ce niveau. C’est difficile, c’est un marché difficile, on voit le prix de l’essence monter rapidement, et c’est vraiment compliqué de savoir quoi faire.
Q : Lumen était à la pointe de la technologie numérique et permettait de commander directement auprès de vos clients et sous-traitants. C’était clairement la base des nouveaux outils de gestion d’entreprise Lumen app/e-commerce/ERP! Sans tout dévoiler, quelle est la prochaine étape ? Ou, si vous ne pouvez pas répondre à cette question, quels sont les avantages pour vous et vos clients.
M. LeBlanc : Nous avons commencé le digital journey [voyage numérique] en 1999. À l’époque, nous l’appelions ElecNet, Electronic Network. À cette époque, la technologie n’était pas Internet. C’était IBM Direct Connection. On pouvait avoir 4 clients uniquement en même temps branché. Nous avons commencé ce voyage là-bas à cause de l’Europe, qui était en tête de l’Amérique du Nord en B2B numérique. En Europe, nous étions déjà en avance sur l’Amérique du Nord en faisant beaucoup de transactions numériques. Et les clients là-bas nous ont dit que vous allez voir les prix “live” (temps réel), vous allez voir l’inventaire “live”, c’était toute qu’on avait à l’époque. Quand on a commencé, on a expérimenté, développé, on avait un partenariat avec le CMEQ ici au Québec avec l’ERP, le CMEQ, et lumen.ca fait aujourd’hui partie de l’écosystème. Les clients peuvent commander directement en ligne et nous avons le lumen.ca que nous développons. Et en plus nous avons des intégrations avec de grands clients, avec des punchouts ou avec de l’EDI, avec toutes les technologies qui existent. Pour nous, il faut un écosystème mixte. Le client appellera l’agence, il ira en ligne, il se rendra même en agence, ce sera la même expérience. L’expérience est globale pour le client.
Nous avons une grosse demande, et la demande va s’accélérer dans les 5 prochaines années à cause de la nouvelle génération qui va prendre la place des gens qui vont partir à la retraite, donc les nouveaux qui arrivent, les plus jeunes, sont au fait de toutes les technologies numériques. C’est étrange ! Je suis heureux que nous ayons eu l’investissement de 20 ans, que nous ayons investi dans des plateformes, des outils de recherche, des données. Nous avons des données centralisées pour les produits et toutes les informations. En fait, ce n’est pas facile de se tenir au courant, et le grand défi, c’est le côté francophone. Parce que le Québec est petit pour l’Amérique du Nord, nous sommes capables d’influencer suffisamment nos clients, mais nous voulons convaincre nos fournisseurs d’avoir les données en français pour les mettre en numérique. Cela nous aide à accélérer, mais chaque année, nous grandissons dans le numérique malgré tout. Je dirais que nos ventes numériques augmentent deux fois plus vite que nos ventes non numériques. Ils voient notre inventaire en direct en ligne et disent : « Okay je voudrais toutes ces produits-là, » passent la commande, et demain matin, le stock est là. Nous sommes du jour au lendemain partout au Québec. Cela fait 20 ans que nous l’avons fait, on a commencé en 1995. Notre logistique, c’est toutes les succursales en plus de commandes numériques. Le centre de distribution prépare les commandes pour tout le monde est relié directement aux clients, et directement aux succursales. Et puis, les succursales sont là pour le ramasser, pour me forcer à vendre avec les locaux. Mais du côté de l’expédition directe aux clients, nous le faisons depuis près de 30 ans.
Q : Beaucoup dans l’industrie électrique sont tellement impressionnés par le centre de distribution de Laval, son automatisation, sa portée et son envergure. Le nouvel investissement dans l’extension de l’installation en fera le deuxième plus grand entrepôt électrique automatisé au monde, le seul devant vous est Sonepar aux Pays-Bas. Que pouvez-vous partager avec mes lecteurs à propos de cette installation et où va-t-elle ? Depuis combien de temps aviez-vous conçu ce concept ? Question d’une autre manière, le succès de votre ERP et la connexion directe avec vos clients ont-ils fait avancer cela ?
M. LeBlanc : Nous avons trois objectifs de croissance. Premièrement, quand nous sommes arrivés à Laval en 2015, nous savons que nous avons beaucoup de place, ce sera un changement pour grandir. Lumen avait 26 succursales quand nous sommes arrivés à Laval en 2015, aujourd’hui j’ai 40 succursales, donc j’ai 50 % de succursales en plus. Nous avons accéléré le volume, nous avons rajouté pas mal de monde chez nous à Lumen. Aujourd’hui, nous avons vraiment une capacité logistique très forte, mais pour soutenir la croissance, j’avais besoin de plus de capacité. Donc, le terrain que nous avons acheté, il nous restait une future expansion dans le plan où nous devions grandir en deux étapes. Étape 1 : 100 000 pieds carrés. Étape 2 : 80 000 pieds carrés de plus. Nous avons 305 000 [pieds carrés pour les] entrepôts, 80 000 [pieds carrés pour les] bureaux. Et nous avons décidé à cause de la pandémie, nous avons vu la chaîne d’approvisionnement problématique, et l’année dernière, nous avons abandonné nos projets. Nous avons décidé d’aller à fond sur le projet pour pouvoir avoir un entrepôt plus grand plus rapidement afin de pouvoir avoir plus de stocks pour soutenir les clients, car la demande est là et continuera d’être là à venir. En même temps, nous avons revu depuis l’Europe, le grand entrepôt où nous avons les coupes de câbles automatisées. C’est un énorme système. 50 % de l’investissement qu’on a fait, c’est de la coupe de câble automatisée. Et cela nous permettra d’avoir 4 fois plus de coupes pour les clients. Dans l’agrandissement, toutes les zones de l’entrepôt qui voient leur capacité logistique doublée. Le côté câble montrera 70 pieds de haut. C’est tout un système automatisé qui vient encore une fois d’Europe, et on va être des petites pièces automatisées, ils ont automatisé les coupes de câbles ce qui va nous donner un avantage parce qu’en Amérique du Nord ça n’existe pas, ça va être le premier qui a presque 100 % automatisé. Il va nous rester des palettes et les grosses caisses de “picking” manuelles dont nous avons besoin pour assembler les câbles. Actuellement, nous avons lancé ce projet avec la famille, le groupe a approuvé les investissements et nous devrions terminer le bâtiment à la fin de cette année, mais l’automatisation se fera à la fin de l’année prochaine. Donc mon objectif en “live” c’est le tout-en-un automatisé, c’est début 2024. Ça va accompagner la croissance de Lumen qui va s’accélérer pour les dix prochaines années. C’est pourquoi nous investissons à Laval, pour continuer le modèle que nous sommes “Livraison le lendemain” partout. Parallèlement, nous continuerons d’ouvrir des succursales. Nous avons des plans de croissance agressive au cours des 3-4 prochaines années, et le numérique sera accéléré. Les succursales, plus je vends du numérique, plus les succursales deviennent des centres d’affaires et des centres de formation pour les clients. Nous faisons donc plus de formation pour les clients. Nous ferons plus de recommandations pour les clients du côté technique, et les succursales resteront, mais nous continuerons avec des succursales à Lumen. Et l’écosystème verra un petit changement dans les 5 à 10 prochaines années, mais nous serons prêts et je pense que nous sommes en avance sur les autres. Nous sommes préparés pour l’avenir.