Changements climatiques : recommandations au secteur de l’électricité

29 mars 2016

Suite aux impacts climatiques qui deviennent plus fréquents et plus intenses, un rapport publié par l’Association canadienne de l’électricité (ACÉ), Adaptation aux changements climatiques : Bilan de la situation et recommandations pour le secteur de l’électricité au Canada, met l’accent sur le besoin de se préparer aux changements climatiques grâce à des mesures d’adaptation.

Le secteur de la production de l’électricité au Canada est en voie de dépenser environ 350 milliards de dollars entre 2010 et 2030 pour remettre en état ou remplacer ses infrastructures vieillissantes, grâce à d’immenses projets d’investissement en cours de réalisation ou planifiés dans tous les coins du pays. Les considérations sur l’adaptation aux changements climatiques doivent informer de ce processus de renouvellement des infrastructures. Comme d’autres secteurs de l’économie canadienne, celui de l’électricité a commencé à intégrer de façon systématique les considérations relatives à l’adaptation. Selon l’Association canadienne de l’électricité, des éléments sérieux de plus en plus nombreux démontrent que les coûts de l’inaction dépasseront de loin ceux d’un engagement fondé sur des données probantes pour un investissement en faveur de l’adaptation.

Les infrastructures du secteur de l’électricité subissent déjà certains effets mineurs et majeurs dus aux changements climatiques, qui vont vraisemblablement augmenter. L’analyse des données de modélisation du climat réalisée dans le cadre du présent rapport met l’accent sur les changements potentiels des températures et des précipitations moyennes pour la période comprise entre 2041 et 2070.

  1. Selon différents résultats de modélisation :
    Les températures annuelles moyennes augmenteront de 2 à 3,5 degrés Celsius dans les régions du sud du Canada. Pour les quatre saisons, la température moyenne augmentera probablement de plus de 2 degrés Celsius dans tout le Canada.
  2. Le pays connaîtra une augmentation des précipitations de 5 à 15 % au printemps et en automne. Les précipitations hivernales moyennes vont également augmenter de manière importante dans tout le pays, et certaines régions seront plus touchées que d’autres.

En plus des résultats de modélisation du climat présentés dans le présent rapport, les ouvrages scientifiques actuels traitant des évènements extrêmes insistent sur l’augmentation de la fréquence et de l’ampleur des journées chaudes et des vagues de chaleur, les extrêmes de précipitations plus fréquents, et les changements potentiels de la sécheresse (réduction de l’aridité en hiver et augmentation de l’aridité en été).

Les impacts des changements climatiques sur le secteur de la production d’électricité, à la fois les risques et les perspectives, peuvent être répertoriés dans trois catégories : demande d’électricité, production d’électricité et transport, distribution et infrastructure d’électricité.
Tandis que l’augmentation de la demande d’électricité de la part des États-Unis et les changements de disponibilité de l’eau peuvent ouvrir de nouvelles perspectives, les changements climatiques présentent un risque considérable en ce qui concerne la fiabilité du service.

L’ACÉ énonce les recommandations suivantes selon les acteurs en jeu :

A-Gouvernement fédéral

Élaborer une stratégie d’adaptation nationale : aucun secteur, et aucune province ni territoire, ne sera capable de s’adapter aux changements climatiques seul.
• Améliorer la compréhension nationale : le gouvernement fédéral devrait faire entendre une voix stratégique pour rehausser la littératie sur le changement climatique au sein des citoyens, des secteurs de l’industrie et des régions.
Appuyer la recherche scientifique et les données climatiques au niveau régional : Il est important que les scientifiques canadiens dans les universités, les groupes de réflexion et les consortiums de recherche reçoivent un soutien financier approprié pour continuer leurs recherches, dans le cadre des efforts continus pour faire progresser les connaissances scientifiques. Il est tout aussi important que les secteurs industriels, notamment le secteur de l’électricité, aient accès à des données climatiques régionales de haute qualité dans un format pratique pour être utilisées dans la planification des investissements.
Assurer la coordination transfrontalière et la gestion des risques : en mai 2015, le Canada, les États-Unis et le Mexique ont fondé un groupe de travail de niveau ministériel sur les problèmes de changement climatique et d’énergie, avec des plans pour examiner l’adaptation entre autres sujets. L’ACÉ encourage le groupe de travail à examiner les risques de l’adaptation aux changements climatiques et les pratiques dans des zones de préoccupation partagée, notamment les vulnérabilités des infrastructures essentielles dans les villes, les problèmes de transport transfrontalier et les scénarios d’utilisation de l’eau de l’hydroélectricité.

B-Gouvernements provinciaux et territoriaux

Établir une position sur les risques climatiques : après consultation de climatologues et d’ingénieurs des infrastructures, chaque province devrait établir sa position sur les risques climatiques et les stratégies d’adaptation possibles, y compris les stratégies spécifiques au secteur et à l’échelle de toute la province.
Demander aux municipalités d’élaborer des plans d’adaptation : les plans d’action alignent les efforts des principaux services et intervenants pour éviter les écarts et la redondance. Alors que les municipalités bénéficieront d’une expertise locale, le besoin d’élaborer des plans d’action robustes et locaux pourrait émaner du niveau provincial.
Renforcer les codes et les normes de construction : les villes résilientes ont besoin de bâtiments résistants. Les codes de construction provinciaux devraient être renforcés pour s’adapter aux risques climatiques et aux phénomènes météorologiques extrêmes. Les pratiques de conception devraient prendre en compte deux principaux thèmes : « durabilité » et « résilience aux catastrophes ».
Mettre à jour les cartes des plaines inondables : afin d’aider à réduire les risques liés aux phénomènes de précipitations extrêmes, les gouvernements provinciaux devraient tenir à jour la cartographie des plaines inondables. Ces cartes pourraient informer les plans pour situer et construire de nouvelles infrastructures et de nouveaux logements, et améliorer également les mesures d’adaptation des sites existants.

C-Municipalités

Élaborer des plans d’action d’adaptation : alors que les provinces devraient demander aux municipalités d’élaborer des plans d’adaptation, ces dernières devront examiner la situation de leurs ressources spécifiques, notamment les sources d’énergie communautaire, les ressources en eau et les exigences et contraintes de l’utilisation des terres.
Veiller à la participation intégrée de plusieurs intervenants : les inondations de Truro en 2012 et celles de Toronto et de Calgary en 2013 ont souligné le besoin d’améliorer l’évaluation et la planification des infrastructures essentielles pas seulement au sein des différentes fonctions municipales, également entre elles. Par exemple, la fiabilité du secteur de l’électricité peut être liée aux réseaux d’égouts (et au degré d’équipement de ces réseaux pour gérer des chutes de pluie et un ruissellement extrêmes) de manières non évidentes. Les acteurs des secteurs de l’assainissement et de l’électricité devraient donc collaborer dans un processus réunissant divers intervenants pour déterminer les risques et trouver des solutions.
Engager des mesures complètes sur l’efficacité énergétique : les villes sont particulièrement vulnérables face à l’augmentation des températures qui sont exacerbées par l’effet d’îlot de chaleur urbain. Toutes les villes devraient inclure des mesures complètes sur l’efficacité énergétique dans leurs plans d’adaptation.

D-Exploitants du réseau

Intégrer des scénarios climatiques dans les prévisions de la charge : les exploitants du réseau devraient coopérer avec les experts en modélisation climatique afin d’intégrer les considérations sur les changements climatiques dans la détermination des marges de réserve future adéquates.
Maintenir un dialogue sur le climat avec les autres exploitants du réseau : alors que l’exploitant du réseau d’une juridiction peut être confiant sur le fait que les scénarios climatiques régionaux seront gérables, il sera également important de prendre en compte les sensibilités émanant des juridictions avoisinantes, y compris les scénarios de changements climatiques potentiellement extrêmes aux États-Unis qui pourraient avoir une incidence considérable sur la demande américaine, et de ce fait, sur la demande globale de l’Amérique du Nord.

E- Compagnies d’électricité

Élaborer des plans de gestion d’adaptation aux effets du changement climatique : chaque compagnie d’électricité devrait élaborer et mettre à jour son propre plan de gestion de l’adaptation aux effets du changement climatique. Chaque plan devrait évaluer les vulnérabilités du réseau et déterminer des moyens pour gérer les risques et les perspectives climatiques, notamment des mesures rentables pour modifier les infrastructures. Des plans d’adaptation efficaces pourraient avoir des répercussions notables sur les résultats. Hydro-Québec a découvert grâce à son étude du réseau de la rivière Péribonka que ne rien faire pourrait aboutir une réduction de 14 % de la production d’électricité, tandis que l’adaptation pourrait augmenter la production de 15 %.
Échanger des pratiques exemplaires en matière d’adaptation aux changements climatiques, notamment des modèles et des méthodes : pour les compagnies d’électricité, la perspective et le besoin existent d’échanger des pratiques exemplaires et nouvelles concernant la planification de l’adaptation aux changements climatiques, notamment les questions relatives aux données et aux méthodes. Comme l’une des personnes interrogées l’a indiqué, l’adaptation « étant un sujet interdisciplinaire et compliqué », les compagnies d’électricité canadiennes devraient « coopérer avec d’autres services publics et industries qui partagent notre région », ainsi « qu’avec les services publics d’autres régions pour partager les méthodologies ».
Réviser les normes du réseau d’électricité : les compagnies d’électricité devraient travailler avec l’Association canadienne de normalisation, l’association canadienne de la sécurité des barrages et d’autres experts pertinents pour garantir que les normes de planification du réseau d’électricité et de conception des infrastructures reflètent les enjeux actuels et futurs posés par les possibles changements climatiques.
Promouvoir la réponse à la demande et améliorer la flexibilité du réseau : pour répondre au risque croissant de pointes sans précédent de la demande de refroidissement estivale, les compagnies d’électricité devraient étendre les programmes de réduction de la demande.
Optimiser l’utilisation des ressources en eau et des bassins hydrographiques : les compagnies d’électricité devraient élaborer des plans intégrés pour la capacité d’hydroélectricité future et les besoins en eau de refroidissement pour les exploitations thermiques en tenant compte des scénarios extrêmes des modèles de changements climatiques, le besoin accru d’énergie pour les pointes estivales et l’intensification potentielle de la compétition pour l’utilisation des ressources en eau des deux côtés de la frontière canado-américaine.

F- Organismes de réglementation de l’électricité

Établir des conventions et des méthodes qui reconnaissent l’importance de se pencher sur les risques climatiques posés à l’électricité : les organismes de réglementation devront établir des principes et des processus grâce auxquels les services publics pourront entreprendre des investissements progressifs dans les infrastructures ou apporter des changements aux investissements planifiés dans le secteur de l’électricité, de façon à améliorer la résilience ou à traiter les risques et les problèmes émergents liés au climat.
Encourager la coopération pour déterminer des solutions rentables : en réponse à l’ouragan Sandy, la société Con Edison de la ville de New York « a demandé 1 milliard de dollars américains d’investissement dans des mesures de résistance à la tempête afin de renforcer son réseau électrique » dans le cadre de son argumentation sur les tarifs. Pour appuyer la détermination de solutions rentables, « un collectif a été constitué, composé des parties pour l’argumentation sur les tarifs, notamment les services publics, les gouvernements nationaux et locaux et des ONG. Ce collectif a traité les répercussions liées aux changements climatiques sur l’infrastructure des services publics, les normes de conception et les stratégies de résilience ».

G-Consommateurs et citoyens

Soutenir et engager des discussions communautaires sur les changements climatiques et l’infrastructure critique : les changements climatiques soulèvent des questions complexes à l’intersection des sciences, des politiques et de l’économie. Une connaissance généralisée et un engagement sur ces questions permettront d’aider le secteur de l’électricité à déterminer les risques, les vulnérabilités, les dilemmes et les compromis communs potentiels.
Participer à la réponse à la demande : en réduisant la charge aux heures de pointe et durant les phénomènes météorologiques extrêmes, la réponse à la demande peut aider les fournisseurs d’électricité à maintenir la fiabilité du réseau quels que soient les scénarios climatiques actuels et futurs. Les fournisseurs d’électricité peuvent améliorer le rôle des consommateurs dans le marché de l’électricité en leur fournissant des incitatifs pour utiliser l’électricité lorsqu’elle est la moins chère et plus abondante.

Conclusions et étapes suivantes

  1. La plage des interventions requises pour s’adapter aux scénarios climatiques futurs ne se limite pas au secteur de l’électricité. Les problèmes s’étendent à tous les secteurs et régions géographiques, les solutions doivent être au même titre, intersectorielles et globales, impliquant divers intervenants. Les gouvernements de tous niveaux, les exploitants de réseau, les organismes de réglementation et les clients ont tous des rôles importants à jouer.
  2. C’est une occasion et un besoin pour l’ACÉ et les compagnies d’électricité individuelles d’élaborer des approches plus programmatiques à l’adaptation aux changements climatiques. Cela prendra du temps pour y parvenir, car le problème est complexe, mais les outils nécessaires pour commencer le processus sont en place.
  3. Les compagnies d’électricité doivent améliorer l’intégration des scénarios de changements climatiques dans la gouvernance de leur société, la planification des projets et les pratiques de gestion des risques. Une priorité essentielle du secteur est de s’assurer que les 350 milliards $ actuellement dépensés en infrastructure sont étayés par une étude et une analyse approfondies des répercussions potentielles des changements climatiques.

Vous pouvez lire le rapport complet ici.

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