Bienvenue dans un monde du tout électrique
Paul Carp
Directeur de recherche chez GreenBiz Group
et Elaine Hsieh
Directrice du programme VERGE chez GreenBiz Group
Le consensus des experts est unanime sur un point; la voie la plus directe pour un avenir aux énergies propres passe par le remplacement des technologies reposant encore sur la combustion interne (y compris les véhicules à essence, le chauffage et la climatisation au gaz naturel) par des alternatives alimentées par l’électricité, que ce soient les véhicules électriques ou les pompes à chaleur qui s’approvisionnent à des sources d’énergie à faible émission de carbone.
Appelez cela la Première Loi de la Décarbonisation : tout ce qui peut être électrifié le sera.
Les défis seront grands, mais pas insurmontables. Comment remettrons-nous à niveau le réseau de distribution pour généraliser l’implantation des bornes de chargement des véhicules électriques? Comment assurerons-nous un approvisionnement énergétique abordable à toutes les classes sociales et à toutes les régions géographiques ? Comment développerons-nous des stratégies locales et régionales qui transcendent les cadres réglementaires et les pratiques commerciales actuelles ? Et comment ferons-nous tout ça selon un échéancier à court terme?
Une bonne nouvelle nous vient des progrès technologiques très encourageants. D’ici 2040, un dollar permettra de se procurer 2,3 fois plus d’énergie solaire qu’aujourd’hui selon Bloomberg New Energy Finance (BENF) et le rapport prévoit que le prix de l’énergie éolienne en mer diminuera de 71 %. Depuis 2010, le prix des piles au lithium a chuté de 73 %. D’ici les prochaines 8 années, le prix des véhicules électriques rejoindra celui des voitures à essence et on prédit que leurs ventes surpasseront celles des véhicules à combustion interne dès 2038. En même temps, toujours selon BNEF, le marché du stockage d’énergie doublera à six reprises d’ici 2030. Ajoutez à cela l’internet des objets, l’infonuagique et l’intelligence artificielle et nous nous retrouvons plus rapidement qu’on ne pourrait le croire dans un monde majoritairement électrifié et décarbonisé.
Qu’est-ce que tout ça nécessitera ? Commençons par le domaine des transports.
Actuellement, à peine 2 millions de véhicules électriques (VE) sillonnent les routes de la planète ( sur un total d’un peu plus d’un milliard d’automobiles ) et les contraintes à leur prolifération demeurent; les bas prix de l’essence et le temps de recharge très long n’incitent ni les consommateurs ni les manufacturiers d’automobiles à prendre le virage.
Malgré tout, la Chine prévoit interdire les automobiles à essence. Considérée comme le plus grand marché automobile au monde, la Chine domine également la production et la demande des VE. C’est ce qui motive entre autres les grands manufacturiers tels Volkswagen et General Motors à investir massivement dans les VE, en Chine et ailleurs.
Cet élan s’intensifie également parmi nombre de corporations dans le monde comme le démontre le lancement en 2017 de l’initiative EV100; ainsi plusieurs importantes multinationales se sont entendues pour utiliser leur vaste pouvoir d’achat afin de « faire du transport électrique la nouvelle norme d’ici 2030 ». Ces entreprises, telles IKEA, Unilever, Hewlett-Packard, s’engagent à intégrer des VE à leur flotte commerciale (qu’ils soient achetés ou loués ) et à installer des bornes de recharge pour leurs employés et clients. En énonçant leurs prévisions d’achat de VE sur un agenda ambitieux, ces compagnies inciteront les manufacturiers à produire plus rapidement les automobiles électriques abordables.
Ce virage ouvre également la voie à doter les VE de capacités de conduite autonome. Comme ils comportent moins d’éléments mécaniques, il est d’autant plus facile de leur adjoindre cette fonction. Le prix de revient de la technologie LiDar, sous-jacente à l’équipement des véhicules autonomes, est passé de $ 150 000 en 2012;a $ 250 en 2016, ce qui rajoute une valeur aux perspectives et aux investissements dans une flotte automatisée.
Au même moment, on assiste à un regain d’intérêt pour l’électrification des moyens de transport en commun : autobus, camions, trains et même des avions.
Les agences de transport public partout dans le monde adoptent les autobus électriques. En 2017, les maires de 12 villes importantes ( Milan, Londres, Los Angeles, Mexico …) ont signé la Déclaration du C40 pour des rues sans énergie fossile les engageant à n’ajouter à leur flotte que des véhicules électriques d’ici 2025. Les manufacturiers de ce secteur s’affairent pour répondre à cette prochaine demande; BYD, Proterra et même Local Motors, fabricant de la célèbre navette autonome Olli.
Le marché des camions électriques lourds et mi-lourds croit lui aussi. Le secteur de la livraison et de la logistique qui assume « le dernier mile » du transport des marchandises en milieu urbain et en banlieue s’électrifie lui aussi. Aux USA, où les parcours de livraison urbaine avoisinent les 70 miles par jour, l’usage d’un camion léger s’avère plus propre et plus polyvalent que le fait de voir beaucoup plus de VE des consommateurs sur la route. Certains de ces véhicules de livraison électriques seront aussi autonomes.
L’électrification des camions poids lourds connaît aussi ses avancées. Presque tous les fabricants de camions ( Peterbilt, Volvo, Kenworth ) développent son modèle doté de batteries, de pile à combustible ou un modèle hybride. Tesla en a surpris plus d’un en dévoilant l’an dernier son modèle de camion-remorque et de gros clients comme Walmart et J.B. Hunt Transport ont réservé leurs véhicules malgré que leur production ne débute qu’en 2019,
Et les trains et les avions ? Une campagne publique nommée Solutionary Rail rassemble des alliés des milieux ruraux et urbains en faveur de l’électrification du transport ferroviaire aux États-Unis. Par ailleurs, des efforts plus récents étudient la possibilité d’électrifier d’ici 10 ans le transport aérien sur de courtes distances. L’automne dernier, la compagnie aérienne britannique EasyJet déclarait s’être associée avec la firme américaine Wright Electric pour la construction d’un aéronef électrique capable d’effectuer des vols de 2 heures ou moins. Pendant ce temps, en décembre dernier, Airbus, Rolls Royce et Siemens affirmaient collaborer à la conception d’avions électriques hybrides et prévoient les premiers décollages en 2020,
Une autre nouvelle encourageante pour la décarbonisation des édifices publics et des résidences. Comme on ne considère plus les fournaises et les chauffe-eau fournissent une alternative propre et économique au chauffage électrique, on remarque un regain d’intérêt pour l’édifice tout électrique qui a l’avantage pour les occupants, propriétaires et la communauté de présenter de nouvelles sources de revenus.
Imaginez un parc immobilier (un campus universitaire ou un siège d’entreprise) relié de manière dynamique au réseau de distribution électrique. Leur système de chauffage serait quatre fois plus efficace que celui au gaz naturel. Les génératrices polluantes au diesel seraient remplacées par les des piles de stockage d’énergie rapide et le système de contrôle avancé optimiserait l’utilisation des capteurs solaires des édifices, décidant quand il est opportun d’avoir recours à l’électricité du réseau. La technologie pour ce faire existe déjà quoique son avantage varie en fonction des édifices en question, du climat, des prix de l’électricité et de bien d’autres facteurs.
La réhabilitation énergétique des bâtiments existants ne dépend pas que de la technologie, il y a tout un héritage de systèmes et d’équipement à remplacer. Les systèmes de chauffage et de climatisation au combustible existent dans une variété considérable, nous n’avons qu’à invoquer les réseaux urbains de vapeur de certaines villes d’Europe et d’Amérique du Nord où on capture et redistribue les surplus d’énergie thermique de centrales électriques ou des incinérateurs municipaux. Pour les résidences, les thermopompes comportent de sérieuses limitations dans les climats plus extrêmes de la côte Est et le Midwest des États-Unis.
La transition électrique exigera de nouvelles politiques tant au niveau local que provincial ou des états. Deux décideurs politiques californiens d’avant-garde déclaraient que l’électrification du chauffage résidentiel et des chauffe-eau domestiques dans tout l’état pourraient réduire de 4 500 $ le coût d’une maison n’utilisant que ces techniques.
Alors, que nous reste-t-il à faire pour en arriver à cette électrification universelle ? Hank Paulson, coauteur du rapport « Risky Business » déclarait à ce sujet : « Nous pouvons réduire les changements climatiques avec les technologies propres existantes. Nous n’avons pas besoin d’un miracle énergétique, « les prix et les performances des technologies permettant l’électrification continuent de s’améliorer, à l’instar des batteries et des VE, tandis que les leaders du monde des affaires et de la politique voient encore plus les bénéfices de cette décarbonisation.
Pour en arriver là, il faudra agencer la planification, le développement et le branchement des bâtiments existants et des systèmes de transport à un réseau de distribution propre.
Traduit par LME et publié avec la permission Trucost et GreenBiz.com.
Pour télécharger le rapport en anglais, cliquez sur le lien suivant : https://www.greenbiz.com/