Dépasser les objectifs uniquement monétaires

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lme4_f_2_sones_400.jpgKeith Sones

23 septembre 2018

Chaque article que j’ai écrit dans cette série est basé sur une tranche de vie qui m’a finalement aidé à mieux comprendre le monde et, je l’espère, à renseigner les personnes qui ont lu l’analyse. Les leçons que j’ai apprises m’ont généralement mené vers une plus grande force émotionnelle et, parfois, vers une plus grande sagesse.

Donc, compte tenu de l’historique de la rubrique, je n’ai pas l’intention de changer le format. Je vais toutefois modifier la chronologie puisque plusieurs des événements marquants ont eu lieu dans mon enfance ou au début de ma carrière. L’expérience derrière cet article est un peu plus contemporaine. En fait, elle est assez récente.

C’est arrivé il y a deux semaines.

Une petite mise en contexte. Mon travail de jour consiste à voir au développement de nouvelles affaires pour le Groupe Valard, une importante firme diversifiée en ingénierie et spécialisée dans les infrastructures à haute tension. Nous construisons les plus vastes lignes de transport sur les terrains canadiens les plus inhospitaliers et nous remplaçons les plus petits poteaux de distribution en Saskatchewan. Nos ingénieurs conçoivent de nouveaux postes au Manitoba tout en réfléchissant à la meilleure façon de créer de nouvelles infrastructures énergétiques à Porto Rico. Les infatigables équipes de distribution rétablissent les réseaux de Toronto puis, en un éclair, se rendent aux Caraïbes lorsqu’un ouragan du nom d’une banlieue fait des ravages au sein d’une population insulaire qui ne le méritait. Cela signifie que je me trouve dans tous ces endroits, et plus encore.

Il y a quelques mois, on m’a demandé si je souhaitais participer à un salon professionnel sur les sables bitumineux à Fort McMurray. Pour être franc, je devais y penser. Ces dernières années, la ville a reçu plus que sa juste part de catastrophes. La baisse drastique du prix du baril de pétrole en a surpris plusieurs il y a quelques années, passant de 130 dollars le baril à 40 dollars. Des milliers de personnes ont perdu leur emploi, leur maison et, dans certains cas, leur mariage. Peu de temps après, en 2016, dame nature a fait un grand détour à la municipalité avec un incendie maintenant connu comme la catastrophe naturelle la plus coûteuse de l’histoire du Canada. Ce n’est pas facile. Comme si cela ne suffisait pas, au début de l’année, ils ont été confrontés à une crue des eaux qui, une fois encore, a mis à rude épreuve le courage des gens de Fort Mac. Je craignais vraiment que si je participais à la conférence, je serais victime d’une invasion de sauterelles ou de l’éruption d’un volcan. On n’est jamais trop prudent.

Cependant, je suis à la fois optimiste (« tu ne me prendras pas vivant, espèce de tremblement de terre, de tsunami ou de crise hypothécaire! ») et également passionné de l’industrie énergétique. Arrivant en plein cœur d’une nuit pluvieuse et maussade à sept degrés, j’étais curieux de voir comment la conférence se déroulerait. Est-ce que je ferais mon entrée dans la salle de conférence où se trouverait seulement trois autres personnes ou serais-je piétiné par des milliers de personnes comme j’avais souvenir il y a quelques années? Thé aqueux ou champagne? Je le découvrirais assez tôt. Donc, avec un café dans une main et de l’espoir dans l’autre, je suis entré au Suncor Leisure Center (d’accord, ça sonnait un peu anticlimatique).

À ma grande surprise, l’événement a été très bien accueilli. Comme pour tous les événements du genre, l’agenda comprenait des présentations techniques éducatives, un grand salon professionnel et une scène principale où les orateurs vantaient les mérites des plus récentes technologies de réduction des émissions et offraient leur pronostic sur le futur à court et à long terme. Les nombreuses discussions au salon ont suscité beaucoup d’optimisme et d’enthousiasme, plus que ce à quoi je m’attendais, compte tenu de la presse négative sur le pétrole et les retards sans fin liés à la construction du pipeline Trans Mountain.

Au milieu de la première journée, et comme on pouvait s’y attendre, la faim est apparue et je me suis alors inscrit à l’événement sur l’heure du lunch mettant en vedette deux éminents chefs des Premières nations comme conférenciers. Le chef Jim Boucher (PN de Fort McKay) et le chef Archie Waquan (PN Crie de Mikisew) ont tous deux parlé avec éloquence et passion de leurs communautés, de leur histoire et des possibilités que leur offre le commerce des sables bitumineux. Avant de m’asseoir pour le repas, je ne savais pas que les entreprises commerciales créées et exploitées par les PN de Fort McKay avaient généré des recettes de 1,7 milliards de dollars au cours des cinq dernières années. Oui, vous avez bien lu. Milliards. Je ne savais pas non plus que leur Nation avait connu une économie et un commerce de trappage prospères pendant des centaines d’années avant d’être détruits d’un simple trait de crayon lorsque l’Europe a interdit la vente de fourrures en 1982. Toute une économie écrasée en un instant. Dire que l’innovation et la volonté de créer leur avenir financier ont été impressionnants est un euphémisme. J’avais appris quelque chose, ce qui faisait une bonne journée.

Le matin du deuxième jour, je suis arrivé tôt et j’ai rencontré un homme d’âge moyen enthousiaste et agitant une petite pancarte. Il m’a demandé si je prévoyais participer au « rassemblement » et sans trop y penser, j’ai répondu que non, j’avais d’autres choses à faire. Je n’étais même pas certain du thème sur lequel portait le rassemblement et je pensais que c’était probablement pour soutenir l’équipe de hockey locale.

En entrant dans le bâtiment, j’ai remarqué un flot continu de personnes marchant dans le corridor, comme le lemming que je peux parfois être (transparence totale : je n’avais pas pris mon premier café Starbucks de la journée alors j’avais encore les yeux collés, même chose pour mon cerveau), j’en ai fait autant et j’ai rejoint la foule.

Il s’est avéré que j’avais trouvé le rassemblement après tout ou, plus exactement, le rassemblement m’a trouvé suite à mon périple avec la foule. La grande salle se remplissait rapidement de monde, avec une grande bannière « Time to Build Trans » (Il est temps de construire la Trans) devant la scène surélevée. Je me suis dit : « Ah ». Un rassemblement en faveur du pipeline. À Fort McMurray, cela ne devrait pas être une surprise compte tenu des avantages qu’elle apporterait à la communauté et à la province en général. J’étais sur le point de savoir si je devais rester, sachant que je pouvais écouter poliment une série de personnes faisant la promotion de quelque chose que je soutenais déjà ou me glisser dans un coin et savourer le café fumant qui serait le salut de ma matinée. Réalisant que je pouvais faire les deux, je me suis assis sur une chaise et j’ai attendu pour écouter ce qui était prévisible.

Ce n’était pas du tout ce à quoi je m’attendais.

Parmi les arguments soulevés par les intervenants pour soutenir que « les pipelines sont bons pour les affaires », une série de diapositives du Rockefeller Brothers Fund basée aux États-Unis a été présentée sur grand écran. Elle a mis en lumière la campagne délibérée visant à confiner l’Alberta Oil et veiller à ce que les entreprises canadiennes soient obligées d’accepter un prix inférieur à celui qui pourrait être obtenu sur les marchés internationaux. Le plan de campagne détaillé des activistes ne comportait aucune préoccupation pour les baleines, l’environnement ou les Premières nations. Juste de l’argent.

Maintenant, ce genre d’information est dans l’actualité depuis un certain temps et je ne suis pas assez naïf pour penser que personne ne veut voir le Canada échouer. Pourtant, le voir en direct de la source m’a un peu énervé.

Le rassemblement terminé, les gens discutaient entre eux avant de lentement se disperser. Alors que je déambulais au salon en attendant le début des activités quotidiennes, je me suis mis à discuter nonchalamment avec un jeune homme qui semblait s’intéresser activement au sujet des forces étrangères. « Il y a autre chose que vous devez voir », a-t-il déclaré prudemment. Un téléphone portable est apparu dans sa main avec le site Web de www.corpethics.org déjà chargé. « Lisez-le pour vous-même », a-t-il déclaré. « Cela pourrait vous ouvrir les yeux ».

J’ai rapidement scanné la page électronique lorsque j’ai lu une déclaration à couper le souffle. Elle disait simplement que « La campagne des sables bitumineux… a joué un rôle qui a permis de destituer le Parti conservateur en Alberta et à l’échelle nationale. ».

Une organisation financée par des capitaux étrangers se vantant ouvertement d’interférer avec les élections canadiennes. L’américain Robert Mueller a passé des mois et des millions à chercher des informations concernant des sources russes influençant les élections américaines et sous mes yeux, un groupe prenait le crédit d’instaurer au Canada des gouvernements qui sont favorables à leur cause. Encore une fois, voir quelque chose sur papier est bien différent que d’entendre des spéculations sur les théories du complot.

Je suis peut-être la dernière personne qui découvre ce problème et peut-être que tous les autres savent très bien que les non canadiens paient intentionnellement pour influencer les résultats de nos élections afin de tuer notre économie. Mais si c’est le cas, où sont les millions de citoyens qui crient au sommet des montagnes? Où se cache l’indignation des médias? Ces organisations (qui s’associent également avec le Sierra Club, Stand, 350.org et les autres) enlèvent volontairement et malicieusement le pain et le beurre des tables canadiennes laissant le soin aux parents de dire à leurs enfants qu’ils ne peuvent plus faire partie de l’équipe de hockey, et de remplacer l’espoir par le désespoir. Et de ne pas protéger l’environnement ni de rendre l’air plus propre. Leur seule motivation, telle qu’ouvertement déclarée, c’est l’argent.

Normalement, je conclus l’article avec une leçon morale que j’ai apprise ou un peu d’inspiration pour le lecteur avec l’espoir de pouvoir éduquer et aider quelqu’un modestement. Je n’ai pas ces mots pour vous aujourd’hui. Je suis en colère. Nous nous battons non seulement pour le prix du pétrole et la capacité de créer de bons emplois pour cette génération et les suivantes, mais pour notre mode de vie. Je me suis finalement réveillé. J’espère que vous aussi.

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