Y-a-t-il des araignées tueuses à tous les coins de rue?

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5_EIN-21-Sones-400.jpgKeith Sones

Au début des années 1980, l’économie canadienne a été durement frappée. Les taux d’intérêt étaient exorbitants, il était difficile de trouver un emploi et les familles ordinaires perdaient leur maison. C’était une période difficile.

À la sortie de l’université, j’ai décidé d’élargir mes horizons et de dépenser le peu d’argent que j’avais pour faire un voyage en Australie. Ce n’était peut-être pas la manière la plus sage d’utiliser mes économies, mais je me suis dis « pourquoi pas ». Des kangourous dans toutes les rues, un pays de plages, de palmiers et de mignons koalas qui mangent dans votre main. Tout cela semblait très attrayant pour un jeune homme au début de sa vie. Alors, billet d’avion à la main et sac à dos à l’épaule, je me suis préparé à décoller pour le pays des kangourous.

Maintenant, un peu de mise en contexte utile. J’avais déjà voyagé à cette époque, mais rien de très important. Un voyage en Angleterre avec mes parents quand j’avais huit ans (j’étais jeune et j’ai peu de souvenirs), un voyage en voiture de deux mois à travers le Canada durant l’été alors que j’étais encore adolescent (le Canada est vraiment grand!) et une semaine de relâche hawaïenne en dixième année (j’aurais VRAIMENT dû utiliser plus de crème solaire!). Mais tout cela avait été organisé par mes parents et comportait des agendas assez prévisibles et définis. J’ai suivi et apprécié le voyage.

Maintenant, retour à l’aéroport. Après une escale de trois heures à LAX, j’ai atterri à Auckland, gracieuseté d’Air New Zealand. Je suis arrivé tôt dans la journée et me suis immédiatement familiarisé avec la première leçon du voyage : les changements de fuseau horaire importants vous dérangent. Mon esprit me disait que c’était le matin et que je devais être débordant d’énergie pour y aller, mais mon corps me disait que je devais m’étendre par terre et dormir. Je n’avais écouté aucun conseil des voyageurs lors du vol, comme dormir et boire de l’eau. Surexcité par l’idée que j’étais devenu un explorateur mondial, j’avais passé mon temps à regarder des films et à consommer trop de bières gratuites. Quand j’ai vu mon sac à dos brisé tomber sur le carrousel à bagages et quelques-uns de mes vêtements éparpillés parmi les autres sacs, mon esprit s’est emmêlé et l’idée de rentrer à la maison m’a traversé l’esprit.

Cependant, le pragmatisme a pris le dessus et après quelques détours imprévus, j’ai trouvé un taxi et me suis dirigé vers l’auberge où j’avais réservé une chambre. Tandis que le taxi roulait dans les rues de la ville de Kiwi, je me suis demandé à quel point celle-ci ressemblait aux autres villes que j’avais visitées. Pas de guerriers maoris ni de bergers en vue. Je me suis dit « Hé bien ». Différent de ce que j’avais imaginé. À l’époque, je n’avais aucune idée à quel point cette réflexion prendrait tout son sens.

Deux jours plus tard, après beaucoup de sommeil et une réparation de sac à dos, je suis sorti pour voir l’essentiel. Comme je comptais rester en ville pendant plusieurs jours, il semblait raisonnable de remplir le petit frigo dans ma chambre avec quelques collations et boissons. J’ai traversé la route K et je me suis retrouvé au magasin d’alcools local, l’équivalent du magasin d’alcools gouvernemental au Canada. À cette époque, j’étais certainement le canadien typique lorsqu’il s’agissait d’apprécier la bière locale. Assumant que tout était similaire à travers le monde, j’ai demandé à la préposée de bien vouloir me donner une « caisse de bières locales ». Elle m’a regardé étrangement et m’a demandé : « êtes-vous certain? ». Confiant, j’ai confirmé ma demande. Elle a haussé les épaules et s’est dirigée à l’arrière.

Non sans quelques difficultés, la préposée est revenue dans la petite pièce avec une caisse en bois contenant de très grandes bouteilles. « Votre caisse, monsieur » a-t-elle haleté. Mes yeux se sont écarquillés et je me suis vite demandé comment j’allais ramener cette cargaison à l’auberge. Je me suis dit « Hé bien ». Différent de ce que j’avais imaginé. 

Quelques jours plus tard et maintenant habitant du pays aux « trois millions d’habitants et de 50 millions de moutons », j’étais de retour à l’aéroport, cette fois à destination de Sydney. Finalement! Les kangourous et les plages, avec quelques trucs effrayants qui peuvent vous tuer en vous regardant.

En prévision des serpents et des araignées mortels et compte tenu de mon intention de camper de temps à autre, j’avais trafiqué ma tente à l’aide d’un empiècement pour que RIEN de taille supérieure à une poussière ne puisse entrer sans mon autorisation. La grande ville de Sydney était amusante, un peu comme n’importe quelle ville, mais j’étais impatient de me rendre dans la « vraie » Australie, alors j’ai sauté dans un bus et passé une journée et demie au nord. Arrivé à minuit, j’ai trouvé mon site de camping tropical et j’ai amorcé la mise en scène de « l’entrée de la tente » que j’avais planifiée avec une précision militaire. Voici le problème. Une fois que la tente a été installée et ouverte dans le noir, tout ce qui pouvait être serpent, araignée, armée de fourmis, abeille meurtrière et leurs cousins pouvait également entrer et attendre pour m’injecter du venin. Je pouvais mourir en quelques secondes. J’ai donc conçu un plan qui minimise le temps d’ouverture de la tente. Au moment critique, je me suis jeté dans le petit bivouac orange plus vite qu’un casse-cou de cirque qui sort d’un canon, j’ai installé l’empiècement et j’ai retenu mon souffle. Pas un bruit. Pas de glissement. Rien ne rampait dans mon cou avec un sourire diabolique. J’avais réussi. Maintenant, je devais juste survivre à la nuit.

Le jour s’est levé sans incident et je pouvais sentir la chaleur du soleil réchauffer la tente. Soucieux de commencer l’aventure, j’ai provisoirement ouvert les volets de la tente pour m’assurer qu’aucun arachnide géant n’avait enroulé la tente dans une toile pendant la nuit. Ne voyant rien, j’ai rampé à l’extérieur.

La vue sur les paysages environnants m’a surpris. Plusieurs personnes dormaient et se prélassaient dans l’herbe et le sable! En shorts et t-shirts! Comment ont-ils évité d’être tués sur le coup dès qu’ils se sont assis?

Euh.

Au cours de mes voyages, un certain nombre d’opinions et de mythes profondément ancrés se sont brisés. Tout ne vous tue pas. Il n’y a pas de plages partout. Les koalas ne sont pas adorables. Plusieurs terres sont arides et désertiques. Les opales sont extraites de petites mines souterraines. Les postes de moutons (ranch dans notre jargon) sont énormes. Le récif est très sympa. Et plus.

J’ai aussi rencontré plusieurs personnes au cours de mon séjour là-bas et j’ai réalisé que, même si j’avais sincèrement nourri mon esprit de stéréotypes et de fausses croyances, plusieurs habitants de la région avaient fait de même pour le Canada. J’ai rencontré un homme instruit qui était venu au Canada parce qu’il voulait voir « un policier, un ours et de la neige ». Il était arrivé à Toronto en été et était déçu de savoir qu’il devait parcourir des milliers de kilomètres à l’ouest pour satisfaire sa curiosité.

J’ai passé la majeure partie de ma vie dans l’Ouest canadien et, même si j’ai beaucoup voyagé à travers notre pays, il y a une grande différence entre se rendre à Miramichi au Nouveau-Brunswick ou à Estevan en Saskatchewan, en vacances ou pour affaires, pendant quelques jours et comprendre la culture et les perspectives locales. Cela ne veut pas dire que tout le monde, dans un lieu donné, pense de la même façon ou vit les mêmes expériences. Ce n’est évidemment pas le cas. Cela dit, il y a souvent des préjugés et des points de vue communs qui résultent d’un manque de visibilité. Si vous demandez aux habitants de Truro en Nouvelle-Écosse et de Red Deer, combien d’entre eux se sont rendus à Stettler en Alberta, je vous parie 100 $ que plus de résidents de l’Ouest vous répondront oui. Ils comprendront mieux à quoi ressemble la vie là-bas, les types d’entreprises, les intérêts sportifs et l’opinion générale sur l’immigration. Ce n’est pas qu’ils soient nécessairement plus intelligents ou novateurs, ils ont simplement une expérience plus directe.

Pour des raisons professionnelles, je passe maintenant beaucoup plus de temps dans le sud de l’Ontario, plus précisément à Toronto. J’y ai voyagé plusieurs fois ici et je croyais avoir une bonne idée de la perspective « locale ». Après y avoir passé du temps, il s’est avéré que j’avais tout simplement tort sur certaines choses. Mes opinions antérieures sur les torontois comprenaient la vue du « Centre de l’univers » (pas tout à fait faux), des préjugés urbains de gauche, arrogants et toujours pressés, etc. Oui, il y a des gens qui correspondent en grande partie au stéréotype. Mais la grande majorité des gens sont gentils, réfléchis, intelligents et préoccupés par les problèmes nationaux et mondiaux. Tout comme mes amis et collègues de Calgary, Vancouver, Saskatoon, St-John, Digby, Victoriaville, Fort McMurray et Fredericton.

Cependant, nous tombons tous dans un piège. Nous écoutons souvent ce que l’on nous dit et l’acceptons comme si c’était une parole d’évangile au lieu de découvrir la réalité. Nous utilisons Facebook, Twitter, les nouvelles du soir et les discussions au Tim Hortons comme mandataires d’expérience. J’ai entendu des opinions très diversifiées sur la nécessité de moderniser l’infrastructure électrique, les gammes de véhicules électriques, le « juste prix de l’électricité », pourquoi les baleines près de Vancouver ont besoin de protection alors que celles de la côte est se portent bien, que le pétrole saoudien vaut mieux que celui de l’Alberta et beaucoup d’autres récits inventifs. La plupart sont faux : ils sont fondés sur l’opinion plutôt que sur les faits.

Que faut-il faire alors? On ne peut pas passer son temps à vivre dans chaque partie du Canada ou du monde entier. Mais nous pouvons tous parler et écouter. Les uns les autres. Appelez votre oncle à Fort St-John et discutez de ce qui vous préoccupe. Vous travaillez pour une grande entreprise? Apprenez à connaître quelques personnes dans d’autres régions du pays. Demandez-leur quelle est leur situation. Avec le temps, vos opinions changeront. Vous serez mieux informé et pourrez prendre de meilleures décisions. Vous voterez en tenant compte de plusieurs informations provenant de tout le pays, pas seulement de votre quartier. L’autre alternative est de penser qu’il y a des araignées tueuses à chaque coin de rue.

Et c’est idiot!

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