Produire de l’hydrogène vert grâce aux nanomatériaux et aux rayons du Soleil
Une équipe de recherche de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) trace la voie vers la production d’hydrogène vert. Elle a joint ses efforts à une équipe de l’Institut de chimie et procédés pour l’énergie, l’environnement et la santé (ICPEES), sous la cotutelle du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et de l’Université de Strasbourg, pour fabriquer de nouvelles électrodes nanostructurées photosensibles. Les résultats de leur recherche ont été publiés dans la revue Solar Energy Materials and Solar Cells.
Un vecteur de transition
L’hydrogène est considéré par plusieurs pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) comme un vecteur important pour la transition énergétique. Selon le professeur My Ali El Khakani, qui a dirigé l’étude, le Québec pourrait se positionner stratégiquement dans ce secteur énergétique d’avenir. « Grâce à des nanomatériaux performants, nous pouvons améliorer l’efficacité de dissociation de l’eau pour produire de l’hydrogène. Ce carburant “propre” occupe une part croissante dans le secteur du transport intensif et lourd, pour le camionnage et le transport public par exemple. Ainsi, des autobus qui utilisent l’hydrogène comme combustible sont déjà en circulation dans plusieurs pays européens et en Chine. Ces autobus rejettent de l’eau au lieu des gaz à effet de serre », soutient le physicien et spécialiste des nanomatériaux.
Briser la molécule d’eau en oxygène et en hydrogène se fait déjà par l’électrolyse. Or, les électrolyseurs industriels sont très énergivores et nécessitent de grands investissements. Les équipes de l’INRS et de l’ICPEES se sont plutôt inspirées d’un mécanisme naturel : la photosynthèse. En effet, elles ont développé des électrodes avec une ingénierie et une structure particulières qui, sous le rayonnement du Soleil, dissocient la molécule d’eau. C’est le processus de photocatalyse.
Les défis de la conception
Afin d’exploiter au maximum l’énergie solaire, les équipes de recherche ont sélectionné un matériau très abondant et très stable chimiquement : le dioxyde de titane (TiO2). Le TiO2 est un semiconducteur connu pour sa photosensibilité aux rayons ultraviolets, qui n’occupent que 5 % du spectre solaire. Les chercheuses et les chercheurs ont mis à profit leur expertise dans le domaine pour d’abord changer la composition atomique du TiO2 et étendre sa photosensibilité à la lumière visible. Ils ont ainsi réussi à produire des électrodes pouvant absorber jusqu’à 50 % de la lumière émise par le Soleil. Un gain significatif dès le départ !
Par la suite, les équipes ont procédé à la nanostructuration de l’électrode pour former un réseau de nanotubes de TiO2, ressemblant à des alvéoles de ruche d’abeilles. Cette méthode a permis de multiplier la surface effective de l’électrode par un facteur de 100 000 ou plus. « La nanostructuration permet de maximiser le rapport entre la surface et le volume de la matière. Ainsi, des nanostructures de TiO2 peuvent offrir une surface pouvant atteindre environ 50 m2 par gramme. C’est la superficie d’un 4 ½ ! », souligne avec enthousiasme le professeur El Khakani.
L’étape finale de la préparation de l’électrode est celle de sa « nanodécoration ». Ce processus consiste à déposer des nanoparticules de catalyseurs sur ce réseau infini de nanotubes de TiO2 afin d’améliorer l’efficacité de production d’hydrogène. Pour ce faire, les équipes de recherche ont fait appel à la déposition par ablation laser, le domaine d’expertise du professeur El Khakani depuis plus de 25 ans.
Ces travaux de recherche ont permis d’identifier les oxydes de cobalt (CoO), un matériau bien accessible au Québec, comme cocatalyseurs efficaces pour la dissociation de la molécule d’eau. Les équipes de recherche ont pu démontrer que les nanoparticules de CoO permettaient de décupler l’efficacité photocatalytique, sous la lumière visible, de ces nouvelles électrodes nanodécorées par rapport aux nanotubes seuls.
Photo: Aperçu au travers d’une fenêtre de l’intérieur d’un réacteur sous ultra-haut vide où les nanotubes d’oxyde de titane (TiO2) sont décorés avec des nanoparticules d’oxyde de cobalt (CoO). (Christian Fleury, INRS) (Groupe CNW/Institut national de la recherche scientifique (INRS))