Les vagues de racisme sans fin, partie 1 : Réflexions

merertu_125.gif

merertu_400.gifMerertu Mogga Frissa 

Quelqu’un m’a demandé un jour pourquoi nous luttions pour la diversité et l’inclusion au Canada. Ma réponse a été que nous n’avons jamais pris le temps de discuter de la valeur de la diversité et de l’inclusion en tant que société. Alors que le Canada s’identifie comme un pays multiculturel, la diversité de la population est dans un vacuum, le contraire de ce que le multiculturalisme cherche à réaliser. Ceci force la discussion sur le racisme à s’exprimer dans les limites des communautés touchées par cette discussion, mais exclues des discussions aux niveaux social et institutionnel.

Lorsque le racisme est évoqué comme un facteur de risque d’égalité sociale, économique et politique, il est souvent rejeté. Les gens s’en éloignent ou le nient complètement. Dans les opportunités d’apprentissage sur la diversité et l’inclusion, les gens piétinent autour du thème de la race. Les discussions abordent des sujets comme la sensibilisation sur le lieu de travail, la gestion des différences culturelles, les préjugés inconscients, la gestion de conversations difficiles, etc. Les personnes qui expriment que leur race les désavantage sont réduites au silence sous le prétexte de « réagir de manière excessive », de « jouer la carte du racisme », ou «  il est difficile de travailler avec cette personne ». Face à un traitement inéquitable en dehors des lieux de travail, les expériences sont rejetées comme « ayant dû faire quelque chose ». Le résultat de ces réactions et interactions est des générations d’occasions manquées de supprimer les systèmes qui perpétuent le racisme et de continuer à protéger les individus qui auraient dû être responsables de leurs actes.

Lorsque le confinement précoce de la COVID-19 nous a obligés à ralentir, les gens ont trouvé le temps de consommer ce qui était à la une, y compris le meurtre de George Floyd aux États-Unis. Alors que les conséquences de son meurtre ont été ressenties par de nombreuses personnes au Canada, le sujet du racisme a refait surface avec force. Pour les Noirs qui vivent régulièrement du racisme, sa mort a déclenché de nombreuses émotions et déballé de nombreuses expériences. C’était un rappel du traitement injuste qu’ils ont reçu des autorités, des incidents apparemment mineurs qui les ont déshumanisés, des moments où ils ont envisagé de signaler un incident et de la frustration qu’ils ont ressentie lorsqu’on leur a demandé de fournir des preuves même lorsque quelqu’un a perdu la vie.

Alors aujourd’hui, un an après le meurtre de George Floyd, je souhaite partager mes réflexions sur quelques questions qui sont souvent négligées lorsque l’on aborde le racisme sur nos lieux de travail et au-delà.

Racisme subtil

C’est une réaction humaine naturelle d’être indigné par quelque chose d’aussi tragique que la mort, surtout quand on assiste à une telle brutalité. Cependant, le racisme moderne ne prend pas toujours cette forme grossière et violente, en particulier au Canada. Le racisme au Canada est souvent subtil et est très bien ancré dans nos institutions et nos systèmes : soins de santé, logement, justice, éducation, politique, financière, etc. – ce racisme subtil est aussi dommageable que le racisme manifeste dont les gens se déchaînent.

Répercussions du racisme subtil

L’impact économique et sanitaire du racisme subtil est immense. Je me demande souvent si les gens comprennent vraiment son impact sur les communautés qui en font l’expérience. Un examen du manque de possibilités d’emploi et des pratiques d’exclusion sur le lieu de travail peut faire la lumière sur les formes de racisme institutionnalisé. Selon des données récentes du BCG et de CivicAction [2], les diplômés universitaires noirs ne gagnent que 80 cents pour chaque dollar gagné par les diplômés universitaires blancs, même s’ils ont les mêmes titres. Les employés noirs sont également deux fois plus susceptibles que les employés blancs de déclarer avoir été victimes de discrimination raciale dans des décisions importantes sur les lieux de travail. Un rapport de Catalyst indique que 52 % des Autochtones qui ont répondu au sondage ont indiqué être régulièrement sur leurs gardes contre les expériences de partialité et éprouver de faibles niveaux de sécurité psychologique [3]. Le racisme subtil est endémique au Canada et il prend tellement de formes – pas assez de temps pour les énumérer dans ce blogue. Les gens doivent vraiment chercher des occasions de comprendre son impact et de travailler à le supprimer.

Éliminer le racisme

La lutte contre le racisme ne commence ni ne se termine par des hommages de soutien, la participation à des manifestations ou un hashtag. Bien que ce soient toutes des étapes importantes pour mettre en évidence la réalité et éliminer le racisme, il faut davantage de travail correspondant au point de vue des communautés touchées par celui-ci. L’accent devrait alors être mis sur la reconnaissance de la position de ceux qui, dans notre société, continuent d’être confrontés au racisme au quotidien, plutôt que sur le chemin parcouru par le pays simplement parce que nous avons connu un tollé public sans précédent.

Cela m’amène à mon prochain domaine de préoccupation. Je me demande souvent si le tollé contre le racisme ne sera jamais transformé avec succès en solutions pratiques si les gens continuent à se récompenser pour le soutien dont ils ont fait preuve. J’ai également une réelle inquiétude à propos de la transformation de l’anti-racisme en une tendance passagère, en particulier dans une société de médias sociaux qui bénéficie d’une rediffusion, aime les mots à la mode et est rapide pour passer au prochain grand sujet. Nous ne pouvons pas nous permettre de lutter contre le racisme avec désinvolture par la rhétorique – les gens doivent devenir réels.

Prendre part

Je constate que la décision d’agir est souvent retardée jusqu’à ce que nos intérêts convergent avec d’autres. Cette attitude face au changement est l’une de mes plus grandes préoccupations. L’une des principales raisons pour lesquelles les organisations ne sont pas attachées à la diversité, à l’équité et à l’inclusion est que souvent les décideurs ne les ont pas identifiées comme des problèmes critiques liés à leur expérience. Malheureusement, le retard ou l’hésitation à contester le racisme se doit également à ce raisonnement. Pour lutter et lutter contre le racisme avec succès, il est essentiel d’éliminer ces approches étroites, en particulier celles motivées par « ce qui est pour moi » ou « l’analyse de rentabilisation ». Évaluer les efforts et les intentions sur la base du gain financier et non comme une responsabilité de résoudre ce problème social profondément enraciné est ce qui a soutenu le racisme pendant si longtemps. Je tiens à souligner que, à moins que les personnes et les organisations n’adoptent une approche plus large et plus inclusive qui se concentre sur les possibilités de transformer les expériences, nous ne verrons pas de progrès contre le racisme.

La race est une invention humaine créée pour catégoriser les personnes et les groupes. Elle a été appliquée comme un outil colonial pour mettre en place des systèmes de domination et d’oppression. Ce que cela signifie, c’est que personne ne naît raciste, le racisme s’apprend. Pour éliminer le racisme, il faut alors désapprendre intentionnellement l’application de la catégorisation et de l’évaluation fondées sur la race de la place des personnes dans la société et sur nos lieux de travail. Reconnaître le rôle de la race dans la manière dont les attitudes sont développées, les institutions et les organisations sont structurées est une étape importante pour aller au-delà de la rhétorique et des gestes symboliques futiles. Un travail extrêmement diligent qui pousse tous les niveaux de la société et de la structure organisationnelle vers un changement radical est désespérément nécessaire. Dans ce cas, le racisme subtil qui sévit dans nos systèmes nécessite une considération unique. Son existence est irréfutable.

Le prochain article de cette série traitera de certains domaines sur lesquels les individus peuvent se concentrer pour s’assurer que le racisme systémique est traité et éliminé avec succès.

[1] Services aux Autochtones Canada.

[2] Nan Dasgupta, Vinay Shandal, Daniel Shadd, Andrew Segal et conjointement avec CivicAction. (2020, 14 décembre). La réalité omniprésente du racisme anti-noir au Canada. Tirée de la réalité du racisme anti-noir au Canada | BCG

[3] Thorpe-Moscon, J. et Ohm, J. (2021). Favoriser l’inclusion des peuples autochtones dans les lieux de travail canadiens. Catalyseur.

Merertu Mogga Frissa est gestionnaire de programme Diversité, équité et inclusion à EHRC/Ressources humaines en électricité Canada

Pour en savoir plus.

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