Ne pas répéter les erreurs du passé sous le poids des contraintes économiques
12 janvier 2016
La passion de la directrice générale de Ressources Humaines en électricité au Canada, membre de notre comité éditoriale et chroniqueuse régulière de notre publication, pour la formation de la main-d’œuvre est connue. Nous lui avons demandé de partager avec nous ses réflexions au sujet de l’année 2015 et des défis qui nous attendent en 2016.
1. Selon vous, quels sont les développements importants de 2015 (acquisitions, fusions, données économiques canadiennes, technologies, etc.) ?
Malgré le fait que l’électricité est une responsabilité provinciale, l’engagement du gouvernement fédéral envers l’énergie propre aura évidemment un grand impact sur l’industrie électrique. Nous sommes déjà témoins du plan énergétique pour le futur de l’Alberta, qui est très différent. Ce sera intéressant de voir comment l’industrie va changer et s’adapter. Ceci inclut les transformations au niveau des emplois, qui se verront déplacés suite à la transition du charbon aux sources renouvelables. La conservation et l’efficacité énergétique sont également de bonnes mesures incitatives pour ceux travaillant dans le secteur et pour les consommateurs. Elles influenceront non seulement comment nous fournissions l’électricité, mais aussi l’ouverture des consommateurs et des propriétaires d’entreprises à absorber les coûts importants reliés aux basses émissions environnementales.
D’un point de vue de capacité de main-d’œuvre, nous avons vu des changements qui auront des conséquences sur les exigences de travail et sur les formations professionnelles, afin de supporter un environnement changeant.
En Ontario, nous avons été témoins de l’engagement de Bruce Power et du ministère de l’Énergie à rénover six unités nucléaires à la station de génération nucléaire basée à Tiverton. Ces stations pourraient générer plus de 23,000 emplois. Nous sommes également témoins de fusions parmi les entreprises de distribution locales. Par exemple, les actionnaires ont récemment approuvé la fusion de OneSource, Horizon Utilities et Powerstream, qui se rassemblent afin d’acquérir Hydro One Brampton.
Au niveau de la mobilité des travailleurs, une action est entreprise par CCDA et les gouvernements provinciaux afin d’améliorer la cohérence des programmes d’apprentissage, en plus de s’assurer que les compétences des étudiants soient reconnues dans l’ensemble des provinces. Ce travail représente une étape importante dans la bonne direction. L’Initiative pour l’harmonisation vise à améliorer la mobilité professionnelle, à supporter l’augmentation du taux de réussite et à permettre aux employeurs d’accéder à un bassin plus large d’apprentis. Le travail a débuté en 2013 avec 10 métiers. La phase 2 a été annoncée en novembre dernier et comportera 8 métiers cibles, incluant électricien en bâtiment, électricien industriel et mécanicien industriel. Elle vise à implanter une formation harmonisée dans la plupart des juridictions d’ici septembre 2017.
2. Anticipez-vous des changements importants en 2016?
Nous continuerons à voir de plus en plus de retraites de nos employés. Nous discutons de cet enjeu depuis 10 ans et actuellement, un grand pourcentage de nos travailleurs, les baby-boomers, prennent leur retraite. Cela a pris un peu plus longtemps que nous l’avions anticipé, attribuable au climat économique, mais nous commençons à voir le rythme s’accélérer.
Nous ne sommes pas une « industrie juste à temps ». Notre main-d’œuvre est hautement qualifiée et formée. Il est de notre responsabilité d’élaborer un plan afin de gérer cet exil, tout en s’assurant que nous ne compromettons pas la sécurité. L’industrie électrique est hautement régulée et doit gérer des considérations de sécurité importantes. Il est donc primordial de créer des professions réglementées et des certifications. Un travailleur dans notre secteur qui atteint une certaine position possède souvent un niveau significatif de formation. Pour un exploitant nucléaire, 10 ans s’écoulent du moment où il commence le collège communautaire, au moment où il est considéré apte à faire le travail seul. Nous sommes particulièrement mis au défi dans ce contexte, car nous tentons de protéger la sécurité du public, de conserver un équipement extrêmement technique et d’embaucher des travailleurs possédant de grandes connaissances. Notre industrie, alors qu’elle devient plus informatisée, devra faire face à cet enjeu. Les acteurs de notre industrie sont conscients de la nécessité d’implanter des processus, afin de transférer les connaissances d’une génération d’employés à l’autre. Ce transfert de connaissances continuera à être une préoccupation centrale pour les services en 2016.
3. Selon vous, quelles technologies émergentes aura le plus grand impact sur notre industrie dans un futur rapproché?
Les technologies des énergies renouvelables jouent un rôle crucial dans le développement durable, pour le monde et pour le Canada, et leur croissance sera une caractéristique dominante de l’industrie des énergies renouvelables. Les investissements canadiens dans ce domaine ont été multipliés par dix durant la dernière décennie et la liste de projets continue à croître. Le développement de l’industrie dans ce secteur apporte plusieurs bénéfices économiques, incluant la création de nouveaux emplois.
L’intégration et l’entreposage seront pertinents dans les systèmes des énergies renouvelables et/ou des énergies conventionnelles, et le rythme de la mise en place ainsi que le nombre et les compétences de la main-d’œuvre seront touchés par les changements.
Nous avons entrepris un projet de recherche dans le domaine des énergies renouvelables pour évaluer la capacité de la main-d’œuvre canadienne à répondre aux exigences des ajouts dans les systèmes de l’électricité renouvelable. Les employeurs devront investir à long terme dans les ressources humaines ainsi que dans des systèmes qui déploieront de nouvelles capacités.
Nous devons également être conscients que le rapide déploiement des systèmes des énergies renouvelables crée des incertitudes externes liées aux changements dans les conditions économiques et les politiques gouvernementales. De plus, l’échelle et le moment des investissements seront inégaux, créant des embauches plus rapides puis des licenciements, à cause des phases de démarrage et de ralentissement des projets. L’industrie a appris par expérience qu’il y a des conséquences internes sur la sécurité, la qualité de l’environnement de travail et la productivité, qui sont en lien avec ces conditions externes. Conséquemment, un plan à long terme, qui ne serait pas guidé par la politique, aiderait à la planification de soutien au niveau des effectifs.
4. Quel mot utiliseriez-vous pour résumer l’année 2015?
Pivot.
5. Quels sont les plus grands défis de l’industrie pour 2016?
L’augmentation des prix de l’électricité, et la réaction des consommateurs continuera à dominer les discussions autour de plusieurs tables de conférence.
Non seulement nous vivons le vieillissement de la main-d’œuvre, mais en plus, nous faisons face au déclin de nos infrastructures. Nous léguons ces contraintes grandissantes à nos effectifs.
Afin de planifier à long terme, il importe de comprendre le marché du travail, c’est-à-dire, l’étendue de l’écart entre l’offre et la demande, d’évaluer les secteurs et occupations de l’industrie étant actuellement le plus sous pression et de considérer les types de pression existante. Nous sommes actuellement en discussions avec les acteurs pour faire progresser le travail.
À la fin des années 80 et du début des années 90, les compagnies ont cessé d’embaucher des apprentis à cause de pressions financières. La situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement, soit une cohorte éligible à la retraite dans une relativement courte période de temps, résulte de cette action. Il importe de ne pas répéter cette erreur. Je suis préoccupée par le fait que nous pourrions engager moins d’employés, conséquence des pressions financières ressenties par plusieurs compagnies à travers le pays. Bien que ceci puisse aider les compagnies à court terme, il en résulterait des problèmes en matière de main-d’œuvre à long terme.
Bien que je ne pense pas que ce soit un défi plus qu’une opportunité, il importe également de s’assurer que les employeurs et les enseignants continuent à collaborer afin de comprendre les exigences du secteur : où se situeront les emplois, quels impacts auront les technologies sur l’ensemble des compétences et est-ce que cela va transformer les programmes actuels? Il y a plusieurs bonnes initiatives de l’industrie et de la formation à travers le pays.
Le succès du secteur dépend de la capacité de l’industrie à gérer les défis au niveau des ressources humaines. Une approche plus stratégique et concertée dans le pays est primordiale afin d’assurer la croissance et la viabilité à long terme du secteur. Il y a des milliers de Canadiens hautement qualifiés à la tête des entreprises électriques. Des ingénieurs, des préposés à l’entretien des lignes électriques, des opérateurs de transmission, des électriciens et ainsi de suite. Ils travaillent dans des centrales électriques, des compagnies de transmission et des sociétés de distribution. À la fin de la journée, la constance dans nos commerces est le besoin d’embaucher et de former les meilleurs parmi les meilleurs. Il ne faut pas oublier que sans les gens, il n’y a aucune électricité.
Michelle Branigan est directrice générale de Ressources humaines, industrie électrique du Canada (RHIEC), electricityhr.ca/french/