Louis Beaulieu – Directeur général de Ouellet Canada – un leader qui fait le lien entre les générations
4 septembre 2019
Ni de la génération des millénaires ni de celle des baby-boomers, Louis Beaulieu embrasse les nouvelles technologies et les nouveaux marchés, mais reste fidèle aux traditions familiales. Titulaire d’un baccalauréat en Finances puis d’une maîtrise en Gestion de l’Université Laval, il est directeur général de Ouellet Canada. Profil tout indiqué pour faire carrière dans l’entreprise familiale. Toutefois, quand je lui demande si comme c’est souvent le cas dans une entreprise familiale, il avait toujours su qu’il allait rejoindre le Groupe, il me répond « Pas du tout. » Il poursuit « jeune c’était à la ferme de mon frère à l’île d’Orléans que je passais mes vacances scolaires. J’y ai passé 10 étés, loin de L’Islet et j’y ai appris à la dure que l’agriculture ce n’était pas pour moi. » De son lien avec l’entreprise familiale alors qu’il n’est pas encore en âge d’y travailler, il dira, « bien sûr que je connaissais le langage de la distribution, notre modèle d’affaires. Les discussions étaient régulières autour de la table, mais comme il y avait déjà plusieurs membres de la famille qui y travaillait, mon père, mon oncle, mon cousin et mes frères, mon père voyait d’un bon œil que je fasse mon chemin à l’extérieur de l’entreprise familiale. »
C’est donc dans le monde bancaire qu’il amorce sa carrière. « J’ai vraiment beaucoup aimé travailler pour une grande corporation à la fin de mes études, ce fut une école extraordinaire. » En 2001, au cours d’une vague de consolidations dans l’industrie, son oncle part à la retraite et son père deviendra l’actionnaire principal de l’entreprise. Puis en 2009, son frère lui demande de venir partager son expertise et son expérience avec le reste de la famille et de se joindre à l’entreprise en tant que directeur national des ventes. Une page professionnelle venait d’être tournée pour Louis Beaulieu. Les trois frères, Martin, Philippe et Louis, deviennent cette même année, les actionnaires principaux de l’entreprise.
À son arrivée au sein de l’entreprise il a d’abord dû apprivoiser une nouvelle industrie, loin du monde bancaire. « J’ai eu la chance d’avoir pendant 4 ans à mes côtés le directeur de qui je prenais la relève. Il m’a constamment conseillé, formé sur tous les aspects du travail, des marges bénéficiaires au service à la clientèle. J’ai dû m’établir auprès des partenaires de l’entreprise, mais j’ai eu la grande chance d’avoir un nom de famille et une réputation qui me précédaient. Les gens me traitaient spontanément comme un membre de la famille, je n’avais pas de pot cassé à réparer. Mon rôle était de bâtir. » Il précise que son frère voyait la relève en lui et c’est ainsi que six ans plus tard, il est devenu directeur général du Groupe Ouellet Canada. Il poursuit en parlant de la chance inouïe qu’il a eu de pouvoir compter sur presque deux générations en avant de lui, son frère a 12 ans de plus que lui.
« J’ai l’impression que nous sommes trois générations à discuter, nous avons une belle perspective historique sur ce qui a été fait. Mon père et mes frères m’ont évité des erreurs, m’ont appris la patience. Il faudrait avoir un ego démesuré pour ne pas écouter son père qui a travaillé 45 ans dans l’entreprise et son frère qui a 30 ans d’expérience. Dans l’incertitude, je les écoute toujours. C’est une richesse incroyable. » Il continue, « je suis quand même relativement nouveau dans mon rôle, ça fait 3 ans seulement et quand il y a des changements de leadership, il y a toujours beaucoup de changements à gérer. Je me suis retrouvé avec une équipe de gestion plus jeune, renouvelée. Quand je suis arrivé du monde de la finance, certains craignaient que la culture de l’entreprise change. Nous avons réussi à maintenir la vision de l’entreprise, mais les choses évoluent, il faut faire évoluer les gens. Je savais qu’investir dans les relations d’affaires, celle avec les distributeurs et les entrepreneurs était important et souhaitable, mais celle aussi avec nos semblables. Au cours des dernières années, j’ai pu récolter les bénéfices à maintenir des relations avec les autres partenaires de l’industrie. J’ai continué à participer aux événements de l’industrie, je le rencontre d’ailleurs durant la conférence annuelle de l’Électro-Fédération, parce que c’est en côtoyant les gens de l’industrie que l’on peut partager les meilleures pratiques. »
Les défis de l’industrie
Fusions, acquisitions, introduction de nouveaux produits, développement du marché américain, les choses bougent depuis son arrivée. Je lui demande ce dont il est le plus fier sous son leadership. La réponse est spontanée « Donner la chance à des jeunes, à des femmes, à des gens qui ne viennent pas de l’industrie, c’est ce dont je suis le plus fier et le plus valorisant, c’est de voir des gens réussir et en retour ces gens développent ensuite une loyauté. » C’est d’autant plus important parce que pour lui il ne fait aucun doute que l’un des plus importants défis de l’industrie est la pénurie de main-d’œuvre. « Le problème n’est pas tellement au niveau de l’assemblage, mais au niveau des autres services, ingénierie, marketing, service à la clientèle, service des ventes, c’est un véritable casse-tête. Le roulement de personnel ça coûte cher. Il faut trouver des solutions gagnantes pour attirer et retenir la main-d’œuvre. »
L’autre grand défi de l’industrie électrique selon Louis Beaulieu, c’est qu’elle est appelée à se moderniser. « Il faut développer le commerce électronique, adopter la numérisation, il faut aller chercher des gains en termes de fluidité, nos compétiteurs d’autres industries ont tout intégré, de la commande à la livraison comme Amazon. Nous avons un long chemin à parcourir, des innovations technologiques à adopter, ce sont d’importants investissements et c’est très complexe. Nos distributeurs ne fonctionnent pas tous à la même vitesse, nous recevons encore des commandes par fax. Je pense que le virage va être difficile. Le retour sur investissement n’est pas clair, et pour le moment la question est qu’est-ce qui va arriver si je ne le fais pas. »
Je lui demande quelles sont selon lui les grandes tendances en chauffage électrique, son segment de l’industrie, notamment face aux changements climatiques? « Il y a beaucoup d’incertitude sur ce qui s’en vient à long terme, il y a des pressions sur les autres sources d’énergie, la conversion tout à l’électricité, on l’espère, on l’a toujours espéré, mais il faudra peut-être attendre encore. Le chauffage électrique ne peut que s’imposer, les gens veulent l’efficacité, des systèmes intelligents, plus de confort, plus de produits radiants. Les consommateurs deviennent de plus en plus exigeants et veulent un chauffage économique et confortable. » Il précise que le marché industriel et commercial bouge moins vite que celui du consommateur, mais que la disparition du mazout ouvre un immense potentiel.
Les défis sont de taille tant dans l’industrie que dans son segment. Les batailles tarifaires et économiques font la une et il précise que selon lui toute tension commerciale dans un contexte d’économie globale fait mal et nuit au développement des affaires. Beaucoup d’enjeux à relever, il en est conscient et il est prêt à les relever. Dans ce contexte, comment arrive-t-il à concilier sa vie personnelle avec sa vie professionnelle? « Au cours des dix dernières années, je n’ai pas eu beaucoup de pauses de travail. Toutefois, je considère que mon travail n’est pas un fardeau, j’aime ce que je fais, suivre la performance de l’entreprise, ce n’est pas un effort pour moi, je me sens souvent en vacances même quand je travaille, j’aime voir le monde, je participe à beaucoup d’événements. Le jour où j’aurai hâte d’aller en vacances, ce sera peut-être le temps de me retirer. Il y a des gens qui aiment les mots croisés, moi c’est me tenir au courant de ce qui se passe dans l’entreprise et dans l’industrie que j’aime. Parfois j’arrive au souper et je suis préoccupé, mais mes enfants de deux mois et 3 ans et demi ont vite fait de me ramener sur terre. »